don't know what to say... ft. sofie

@alexisxbledel.
♡ CAMI & SOFIE.
i don't know what to say.

La veille, Camila avait fait quelque chose qu'elle n'aurait pas du faire. Quelque chose de mal. Encore une fois, Camila s'était mêlée de ce qui ne la regardait pas. C'était plus fort qu'elle, c'était dans sa nature, tout simplement. N'empêche que c'était mal. Toute la soirée, elle n'a fait que penser à ce qu'elle venait de voir. Et la nuit, elle ne réussit pas à dormir, se retournant dans son lit à toutes les trois minutes. En arrivant au travail le lendemain, elle se promit d'en parler à Sofie. Après tout, cela la concernait. Comment lui dirait-elle? Oh, bonjour Sofie. Très jolie cette montre. Au passage, j'ai regardé la fiche du docteur, je suis désolée d'apprendre que tu ne pourras pas avoir d'enfants. Je peux faire quelque chose? Bien sûr que non, il était hors de question de lui dire de cette façon. Jamais de la vie. Elle passa la matinée derrière le petit ordinateur, à faire l'inventaire, en jetant des coups d’œils à sa collègue en se demandant ce qu'elle lui dirait. Le temps avançait dangereusement, dans quelques minutes ce serait la pause du midi. Elle ne pourrait plus se défiler. Lorsque tomba midi, Cami éteignit l'ordinateur, et se rendit jusqu'à la salle des employés. Sofie était déjà assise à la table. "Tiens, salut!" dit Camila, comme si elle était surprise de la voir. Plus louche que ça, tu meurs. Elle sortit son sac du casier, elle mourrait de faim. Sa salade de thon, elle l'avait attendue toute la matinée.

Ce matin-là, son esprit avait bien du mal à se concentrer sur les coupures de journaux intimes et les biographies. Les yeux encore embués de la veille, elle vérifiait l'état de son mascara toutes les cinq minutes. Les lecteurs, après tout, n'avaient pas à supporter ses humeurs. Ainsi, la matinée défila plus lentement que d'habitude, et ce qu'elle faisait en un quart d'heure, en prenait le double. Et, quand arriva l'heure de sa pause, elle n'avait pas trié la moitié des ouvrages - ce n'était pas faute d'avoir eu du temps, sauf Madame Louise, elle n'avait parlé à personne. Elle feignait si bien l'éclat du bonheur, que la vieille dame, qui pourtant la connaissait bien, n'avait pas même haussé un sourcil. Et, à vrai dire, Sofie ne savait pas comment réagir. Elle aurait peut-être aimé, que quelqu'un le remarque, à ses joues sans fard, et les collants filés qu'elle avait si vite attrapés après sa nuit blanche. Elle aimerait le dire, mais les mots, impossibles, ne sortaient invariablement pas de sa gorge. Comment prononcer l'impensable, dire tout haut ce en quoi elle ne croyait pas tout bas. Alors, elle se décida à manger, contre son maigre appétit, une petite salade de pâtes et son yaourt vanille. Rejoint bien vite par son amie, son visage se fendit d'un sourire franc. Une impulsion qui, avec les derniers évènements, l'en étonna elle-même. -- Oh, est-ce que tu vas mieux ? Elle l'avait entraperçue, à la volée, dans la salle d'attente de son médecin. Comme pour dévier la conversation de l'inéluctable, elle ajouta : -- Il fait vite froid, ces temps-ci. C'était sans compter la petite marque sur son bras, qu'elle replia aussitôt. Malencontreuse égratignure en sortant si désorientée du petit cabinet.

Camila n'était pas la fille la plus subtil de la terre. On ne pouvait pas lui en vouloir en même temps, c'est pas comme si elle faisait exprès. Petite, elle espionnait les voisins. C'était presqu'une obsession pour elle. Elle sortait sur le perron de la maison, elle apportait une revue avec elle, s'installait sur la petite chaise en bois et observait les images de la revue. Tout en gardant l'oeil ouvert au cas où il se passait quelque chose. Elle en a entendu des conversations. Elle avait vu toute sortes de choses. Elle ne comprenait pas tout, mais elle voyait bien lorsque le copain de la voisine d'en face sortait en douce le matin, vêtu d'un simple jean, torse nu. Tout de suite, elle n'avait pas hésité à en parler à ses parents. Et heureusement, car elle aurait pu en parler à la mère de l'adolescente. Bonjour le scandale. Plus vieille, Camila comprit assez vite que c'était mal. Mais c'était une habitude. Elle n'était pas pour arrêter de sortir sur le perron pour lire, non? Cami était curieuse, après tout. Est-ce quelque chose de mal? Assise en face de sa collègue, Camila ouvrit son plat, elle s'empressa de prendre une bouchée, pendant que Sofie lui demandait si elle allait mieux. Ah, bien sûr, Cami était allée chez le médecin la veille pour une toux qui ne semblait pas vouloir partir. "Un peu, disons que le médicament qu'on m'a donné m'a aidé à dormir." -ou presque, oublia-t-elle de dire. Sofie commenta ensuite sur la température. "En effet..." petite pause pour prendre une autre bouchée de sa salade. "Alors, hum... quoi de neuf?"

Elle ne savait pas pourquoi, elle ressentait le besoin de cacher ses résultats d'examen, l'inéluctable sentence du médecin. Elle ne savait pas pourquoi, elle se sentait troublée, et gênée, à la pensée de communiquer son anxiété à son entourage. Elle n'était pas une fille à secrets. C'est à peine si, enfant, elle parvenait à en garder un. Elle se surprenait elle-même - elle que l'on lisait comme à livre ouvert, le regard et les agitations transparents. C'était la même culpabilité qu'un péché, ce sentiment d'avoir à expier l'erreur. Pourtant, il n'y avait pas d'erreur, rien de condamnable ou à condamner. Elle se punissait elle-même, anticipait sur les paroles des autres, se prémunissait des iris compatissants, de la pitié qu'elle tenait en aversion. Elle semblait si superficielle, aux dépens des jugements. Il lui arrivait d'excuser ses silences, en espérant que, restée dans l'ombre d'un papier, la vérité puisse encore être bouleversée. Mais la biologie faisait son oeuvre, et les hommes ne pouvaient qu'apprendre à vivre avec les composants de leur corps. Sofie jouait mollement avec sa fourchette en plastique, le regard baissé sur les pâtes qui se mélangeaient avec les blancs d'œufs. -- On n'a plus qu'à espérer le retour du printemps. Elle esquissa un nouveau sourire, plus timide, perplexe. -- Ne dit-on pas que mai est le mois de ce qu'il nous plaît ? Elle le souffla presque, comme la dernière feuille menacée par le vent d'automne. Si les températures étaient, d'ordinaire, le sujet de prédilection pour échapper aux lourdes conversations, rien, cette fois-ci, ne pouvait désamorcer la bombe. -- Je vais quitter Bash. C'était sorti tout seul, sans qu'elle ne s'y attende elle-même. Comme une chose naturelle. Mais, non, ça n'avait rien de naturel. Et, de l'extérieur, on pouvait presque entendre le bruit des fissures dans son coeur.

» I will be your remedy ❈ sofie