such a creepy melody

♡ 01. Poppy n'a jamais pensé que la vie pouvait s'éteindre en un simple claquement de doigts. Un battement de cils, les paupières se ferment pour se rouvrir dans le pire des cauchemars qu'elle a souhaité ne jamais vivre. Elle, elle n'a jamais su nager. Elle n'a jamais voulu apprendre, n'a jamais eu l'audace de plonger la tête la première dans les eaux calmes et sereines qu'elle touche simplement du bout des doigts ou les pieds dans l'eau. Mais seulement les pieds. Le corps reste à l'abri des vagues et des caresses de ces dernières. Alors quand elle a été submergée dans les profondeurs d'un lac qui lui semble aussi vaste que l'océan, elle panique. Elle perd le contrôle, ce calme dont elle peut faire preuve de temps à autres s'estompe. Elle s'évanouit, les lourdes paupières se fermant et ne laissant finalement apparaître que la clarté d'une chambre d'hôpital.

♡ 02. Conduite en état d'ivresse, que l'on dit. Pas elle, son meilleur ami. La grande sœur n'aide pas réellement dans le processus, appuyant inlassablement le fait qu'elle n'est pas en faute si l'autre a décidé d'ingurgiter quelques verres d'un alcool dont elle ne connaît pas le nom, qu'il s'est éteint mais qu'elle n'est fautive et ce, en aucun cas. Dans sa tête, ça résonne, ça tape contre les tempes, son esprit ne peut s'empêcher de se dire que si elle lui avait accordé un peu plus d'attention, si elle avait pris la peine de l'observer le temps d'un instant au lieu de se plaindre du fait qu'elle était tombée en vélo à cause de cette foutue roue avant qui s'était bloquée et qui l'avait fait basculer par-dessus le guidon, peut-être, qu'elle lui aurait dit de ne pas monter en voiture, qu'ils seraient tout bonnement restés sur le bord de la route en attendant que l'alcool se dissipe ou en appelant tout simplement quelqu'un d'autre pour leur venir en aide.

♡ 03. Quand bien même cela fasse près de deux ans que cet événement s'est déroulé, elle n'est tout bonnement jamais rentré dans une voiture depuis lors. Ni même un quelconque autre engin à moteur où elle peut se retrouver coincer. Elle se contente de ses gambettes et de son vélo qu'elle a demandé à faire réparer après sa sortie de l'hôpital. C'est celle qui fait sonner la petite cloche, son qui la caractérise dès lors qu'elle est dans les parages car peu sont ceux qui se promènent en bicyclette. La maladroite, celle qui percute ces pauvres individus parce qu'elle est trop occupée à observer les nuages, celle qui regarde ailleurs, sauf devant elle. Catastrophe ambulante, mais rares sont ceux qui lui reprochent ces égarements qui provoquent de minimes accidents.

♡ 04. Le poignet guide les mouvements de la main droite. Le crayon de papier, enfermé dans la paume repliée sur elle-même. C'est ainsi qu'on peut parfois l'observer. Le matin. L'après-midi. Le soir. La nuit, même. Assise sur un banc durant quelques instants qui durent finalement une éternité, elle se perd dans un paysage qu'elle se contente  des fois de simplement analyser de ses iris sombres. Et d'autres fois, c'est l'envie de créer, de mettre sur papier des temps qui allaient être révolus dès lors qu'elle aura quitté le siège où elle se trouve. Les jours d'après, les astres ne seraient plus plus les mêmes. Les jours d'après, la clarté aurait d'autres teintes. Les jours d'après, ces individus ne seraient plus là. Les jours d'après, tout serait différent.

♡ 05. Elle a pris cette fâcheuse habitude. De fouiner, de mettre son nez dans des affaires qui ne la concernent absolument pas. Alors qu'elle en fait de même avec sa famille, ce qui peut être justifiée lorsqu'elle observe les connaissances de sa fratrie, elle est néanmoins celle qui est capable de s'immiscer innocemment dans l'existence d'autrui dans le simple but de satisfaire une curiosité insatiable. Elle a toujours été très ouverte et ne peine pas réellement à faire la conversation avec ceux qu'elle vient de rencontrer au détour d'une allée ou dans des magasins, ou même seuls, assis sur un banc.

♡ 06. Puis lui, elle le croise. Souvent. Impression que le destin jouae un plus grand rôle dans cette affaire. Poppy a souvent cette habitude de scruter les humains et chacun de leur fait et geste. Elle se surprend même parfois à fixer ses iris sur un point précis, les autres la dévisageant. Elle ne les regarde pas eux, regarde au-delà des silhouettes animées. Avec lui, c'est un premier regard. Un deuxième. Ainsi de suite. Inlassablement. Puis finalement, on essaie de glisser l'ombre d'un sourire que l'on a tendance à étirer pour des raisons inconnues. Puis les prunelles s'abaissent et on reprend la route. Si elle est celle qui a la capacité d'aller de l'avant pour engager des conversations, elle est aussi celle qui se sent rapidement intimidée quand un homme l'observe. Elle a tendance à se mordre la lèvre inférieure, à baisser les yeux pour les remonter, puis les rabaisser.

♡ 07. Poppy, l'éternelle anxieuse. Voile qui masque son faciès sous des sourires et des rires lâchés spontanément, elle est néanmoins celle qui ne peut s'empêcher de sentir une boule au ventre se former quand elle a de mauvais pressentiments ou simplement quand quelque chose la tracasse. Elle a tendance à s'évader quand elle ressent ces inquiétudes qui tentent d'être extériorisés. Les paupières se ferment pour essayer de retrouver un semblant de sérénité, le souffle court qu'elle souhaite synchroniser sur une cadence plus posée. Les problèmes sont toujours les mêmes. Cette famille dont elle apprécie les membres, bien trop d'amour et d'attention à leur donner mais qui adorent se déchirer les uns et les autres. Si distants et pourtant si proches à la fois.

♡ 08. Matinée d'un week-end où l'on ne prend même pas la peine de se lever. Les clarté de l'astre frôle de sa chaleur des joues doucettement rosées par une fraîcheur qui s'est immiscée dans l'appartement. Pas le courage de sortir ne serait qu'une jambe qui reste dissimulée sous la couverture, elle observe ce paysage voilé d'un rideau des moins opaques. Une vue qu'elle a sous les yeux à chaque réveil et dès lors qu'elle s'infiltre sous ses draps. Le bas de ses paumes passent en-dessous de ses deux prunelles humidifiées. C'est souvent comme ça, elle en a l'habitude, de ces réveils en sursaut. Des terreurs, spectres inavoués qui brisent de l'intérieur une âme esseulée. Le soupir est lâché entre les deux lippes lassées alors qu'elle se passe une main dans les cheveux en s'affalant d'autant plus dans son lit. Elle cherche le courage. Elle cherche l'énergie. Elle cherche à activer ce bouton qui a été mis sur off, celui qui la booste et qui la forcera à se sortir de là. A quitter cet appartement, le temps d'une petite balade à esquisser des sourires chaleureux et bienveillants, le temps d'aller se prendre une boisson chaude en allant s'assoir dans le parc avec une bouquin, un journal, ou son petit carnet.

♡ 09. Les mains se tendent vers cet enfant qu'elle appelle dans un chuchotement alors que ses camarades sont tous occupés par de diverses activités. Il s'approche d'un pas lent, la scrutant du regard avec un sourcil arqué alors qu'elle manque de grimacer à chaque avancé qu'il effectue. Elle s'accroupit pour se mettre au niveau de l'enfant qui la toise, ne sachant ce qu'il a fait de mal pour qu'il soit appelé à venir la voir. Elle lit l'angoisse dans ses prunelles innocentes, bien trop innocentes pour qu'elle puisse briser ainsi cet éclat, pour que ce reflet de l'enfance soit éparpillé en des milliards de morceaux à cause des quelques mots qu'elle doit prononcer. Non. En a-t-elle l'obligation ? Elle ne sait même pas si à cet âge-là, ils en comprennent la signification. « T'as gagné une petite pastille verte pour ton bon comportement. » Elle étire ses lippes, formant un sourire des plus forcés qu'elle cache en se relevant rapidement et en lui faisant signe de retourner jouer. Elle ne peut pas articuler des mots qui lui arrachent le fond de la gorge. Aujourd'hui, c'est ton père qui vient te chercher. Il aurait posé des questions, le gosse. Comme il le fait, souvent. Des interrogations auxquelles elle n'aurait pas pu ni voulu répondre.

♡ 10. Elle s'arrête devant la vitrine. Comme une enfant qui aimerait pouvoir y entrer et en saisir l'objet convoité avec une facilité déconcertante. Elle observe ces instruments qu'elle aurait aimé effleurer, mais rentrer dans l'établissement lui ferait plus de mal que de bien. Elle effleurerait les touches des pianos et n'aurait qu'une envie. S'assoir sur le tabouret pour ne plus jamais le quitter. La mélodie (1) joue dans sa caboche à chaque fois qu'elle croise le magasin. Le gérant doit sûrement la scruter d'un mauvais œil, se demandant si elle est présente pour faire du repérage afin de venir le cambrioler une fois la nuit tombée.